
Cette étude de cas se plonge au cœur des décennies de tensions qui ont façonné les relations tumultueuses entre Cuba et les États-Unis. Au cœur de cette analyse se trouve une problématique essentielle : comment la relation conflictuelle entre Cuba et les États-Unis, depuis les premières aspirations expansionnistes américaines jusqu'à la crise des missiles de 1962, a-t-elle influencé les dynamiques géopolitiques de l'Amérique Latine et reflété les tensions globales de la Guerre Froide ? Cette interrogation guide notre exploration des origines historiques des tensions entre ces deux nations, du rôle pivot de la révolution cubaine et de son impact sur les relations internationales dans l'hémisphère occidental. En examinant comment cette confrontation s'est inscrite dans le cadre plus large de la Guerre Froide, notamment à travers l'épisode tendu de la crise des missiles, nous mettons en lumière les répercussions qui ont dépassé les frontières de Cuba pour toucher l'Amérique Latine et au-delà, révélant la complexité des alliances, des idéologies et des stratégies politiques qui ont façonné le XXe siècle.
Cuba et les Etats-Unis : genèse d’une relation conflictuelle
Depuis le début du XIXe siècle, Cuba, alors colonie espagnole, attira l'attention des États-Unis. Thomas Jefferson en 1805 voyait déjà l'île comme une prise stratégique facile. John Quincy Adams, en 1823, conceptualisa Cuba comme un "fruit mûr" inévitablement destiné à être attiré par la gravité politique vers les États-Unis. À travers le XIXe siècle, les États-Unis tentèrent à plusieurs reprises d'acheter Cuba, offrant jusqu'à 100 millions de dollars à l'Espagne. Malgré leur soutien à l'Espagne contre les mouvements indépendantistes cubains au XIXe siècle, les États-Unis intervinrent militairement en 1898, prenant le contrôle de l'île après la défaite espagnole.
L'amendement Platt, imposé à la Constitution cubaine en 1901, limita la souveraineté cubaine, autorisant les interventions américaines. Les États-Unis intervinrent à plusieurs reprises au début du XXe siècle, rappelant la précarité de l'indépendance cubaine. En 1933, les États-Unis intervinrent pour mettre fin à la Révolution populaire et établirent une politique de soutien à des leaders forts pour protéger leurs intérêts. L'amendement Platt fut remplacé en 1934 par une approche privilégiant des hommes forts comme Fulgencio Batista, qui fut un allié des États-Unis jusqu'à son renversement par la révolution de Fidel Castro en 1959. La période jusqu'à la révolution fut marquée par la corruption et l'influence américaine, culminant avec le coup d'État de Batista en 1952, soutenu par les États-Unis. La révolution de 1959, initiée par l'attaque de la caserne Moncada par Fidel Castro, aboutit à la chute de Batista et marqua le début d'une nouvelle ère pour Cuba.
Prélude à la révolution : Cuba sous Batista
Durant le régime dictatorial de Fulgencio Batista de 1952 à 1959, Cuba s'est insérée au cœur des enjeux géopolitiques caractéristiques de la Guerre Froide, influencée de manière significative par les États-Unis. Le gouvernement de Batista, marqué par une corruption omniprésente et une répression sévère des dissidences, se montrait toutefois aligné sur les intérêts des États-Unis, positionnant Cuba comme un partenaire stratégique crucial dans les Caraïbes. L'intérêt des États-Unis pour Cuba était motivé par des facteurs multiples. Sur le plan économique, l'île constituait un marché profitable pour les exportations américaines et offrait des opportunités d'investissement séduisantes pour les entreprises américaines, en particulier dans les domaines du sucre, du tabac et du tourisme. D'un point de vue stratégique, maintenir une influence ou un contrôle sur Cuba aidait les États-Unis à sécuriser leur frontière méridionale face à la progression du communisme dans l'hémisphère occidental, conformément à la doctrine Truman. Le soutien des États-Unis au régime de Batista démontrait donc une préférence pour la stabilité géopolitique et la sauvegarde de leurs intérêts économiques, au mépris des revendications démocratiques et du droit à l'autodétermination des Cubains. Toutefois, cette stratégie géopolitique s'est avérée contreproductive, car l'appui à des régimes autoritaires tels que celui de Batista a finalement encouragé les soulèvements révolutionnaires et conduit Cuba à se tourner vers l'Union Soviétique suite à la révolution de 1959.
L'Aube d'une Nouvelle Ère : La Révolution Cubaine et la bascule Géopolitique
Le déclenchement de la Révolution Cubaine avec l'assaut sur la caserne Moncada en 1953, qui a culminé par le renversement du régime de Fulgencio Batista le premier janvier 1959, a marqué un chapitre crucial de l'histoire cubaine et de ses interactions avec les États-Unis. Sous l'égide de Fidel Castro, cette révolte a non seulement renversé la dictature de Batista, appuyée par les États-Unis, mais a aussi engagé Cuba dans une série de changements profonds, annonçant une rupture idéologique et politique majeure avec Washington. L'arrivée au pouvoir de Castro a rapidement engendré des réformes socio-économiques ambitieuses destinées à éliminer l'analphabétisme, à révolutionner l'agriculture et à nationaliser les secteurs industriels, y compris ceux sous contrôle américain. Ces initiatives ont intensifié les frictions avec les États-Unis, qui voyaient d'un œil critique la diminution de leur influence économique et la diffusion du communisme dans leur sphère d'influence. En réaction, les États-Unis ont lancé plusieurs tentatives pour déstabiliser le nouveau gouvernement révolutionnaire, parmi lesquelles l'invasion ratée de la Baie des Cochons en 1961 par des exilés cubains soutenus par la CIA, qui, au lieu de renverser Castro, a renforcé sa position. De plus, les États-Unis ont imposé un embargo économique sur Cuba dès 1962, en réponse aux nationalisations effectuées par le gouvernement cubain sans indemnisation. Cet embargo visait à isoler économiquement l'île, limitant drastiquement ses transactions commerciales et son accès aux marchés globaux. Renforcé au fil des ans par des lois telles que la Loi Torricelli et la Loi Helms-Burton, cet embargo a aggravé l'isolement et les difficultés économiques de Cuba. Malgré les appels internationaux à mettre fin à cet embargo, en raison de ses conséquences humanitaires néfastes pour la population cubaine, il demeure largement en vigueur, soulignant la continuation des tensions entre les deux pays.
Samuel MARTHELY
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