De quoi s'agit-il ?
A l'origine, Mediaparks est une revue mensuelle de 32 pages, diffusée en format papier et numérique, réalisée par les élèves et traitant de grandes questions de société d'actualité en lien avec le programme d'histoire-géographie et d'EMC. Mediaparks est un moyen, utile socialement et rentable pédagogiquement, de remplacer la perception traditionnelle des apprentissages en classe par une structure apprenante qui reste rigoureuse tout en libérant l'esprit d'initiative des élèves. Par ailleurs, analyser l'actualité à travers le prisme des cours d’histoire-géo EMC, en libérant l'expression des élèves lorsqu'ils se transforment en journalistes, connecte nos enseignements à leurs questionnements concrets. Une proposition d’article devient l'occasion d'initier une activité qui a du sens sans nécessiter un long travail de préparation, contrairement à une séquence pédagogique complète. Les travaux de recherche se font ensemble et constituent le cœur de l'activité, propre à produire une analyse puis une synthèse collective qui servira pour le moins de trace écrite du cahier. Cette architecture d'apprentissage globale devient un outil majeur des développements des élèves et crée une passerelle entre l'école et son espace proche.
A l'origine...
Suite des attentats de janvier 2015, la perte de confiance des élèves dans les médias d’information, illustrée par la considération croissante pour les théories conspirationnistes, a fait apparaître de nouveaux enjeux civiques dans la classe : apprendre à qualifier les informations obtenues sur l'Internet pour déterminer une vérité constructive indispensable au vivre ensemble. Lors des débats qui ont suivi l’attentat perpétré à Charlie Hebdo, les élèves du collège Rosa Parks ont par ailleurs exprimé leur anxiété à grandir dans un monde que l’on ne comprend pas et dans lequel on ne peut agir.
Le paradoxe est là : l’école en général, l’enseignement de l’histoire géographie et de l'éducation morale et civique en particulier, ont justement pour fonction de permettre aux citoyens de demain de se former intellectuellement, de construire ensemble des clés de compréhension et d’action sur le monde. Loin d’être le signe d’une faillite, l’échange avec ces élèves et la prise en considération de leurs demandes doivent être interprétés comme le signe d’une relation de confiance réaffirmée, au gré des événements.
Ne pouvant s’abstenir de considérer le contexte national et local (la situation très particulière du quartier de Villejean), il a donc été indispensable de s’adapter à cette situation pour formuler une réponse pédagogique répondant à de nombreuses demandes, venant des élèves (connecter davantage l’enseignement de l’histoire géo à la compréhension du monde), des parents (l’attente d’actions pédagogiques claires et rassurantes pour ne pas fuir le collège), de l’institution (les nouveaux programmes de primaire et de collège) et des enseignants (tous ne savaient pas comment lier l’actualité à leurs programmes disciplinaires).
La revue Médiaparks, outil pédagogique éducatif aux mains de trois classes de 4ème, est née d’une volonté partagée par plusieurs acteurs du collège, du quartier et du département d’honorer ces demandes en s’appuyant sur une pédagogie de projet à la fois innovante et connectée au monde actuel. L’utilité pour tous est une donnée essentielle. Il est rare qu’enseignants et élèves trouvent un intérêt commun dans le développement d’un projet intégrateur.
Médiaparks permet aux enseignants d’évoluer de manière encadrée et rassurante vers une pédagogie coopérative, impliquante, et valorisante, et aux élèves de construire leurs apprentissages de façon autonome, différenciée, intrinsèque (on n’éprouve pas en soi le désir d’apprendre à faire une division, en revanche, on a besoin de construire sa propre réflexion). Médiaparks est donc bien plus qu’un média, bien plus qu’un journal de collège, c’est une matrice qui connecte la communauté apprenante à la société globale dans une démarche d’éducation collective.
Une pédagogie de projet
Mediaparks est une revue mensuelle diffusée sur l'Internet. Chaque personne qui reçoit le magazine se l’approprie et le diffuse à son propre réseau (transmission par mail, affichage sur les réseaux sociaux, impression pour des proches ou des collègues). Il comprend 32 pages de la 1° à la 4° de couverture. Sommaire, ligne éditoriale, composition du comité de rédaction, édito, rubriques (choisies afin de justifier le travail en classe dans le respect du programme scolaire) auxquelles sont associées des photos, sont aux mains d’un groupe d’élèves choisis par leurs pairs pour leur engagement, leurs compétences journalistiques ou d’organisation de groupe et leur popularité (un reflet de la relation de confiance dans la classe).
D’une manière ou d’une autre, que ce soit en travaillant de manière classique en classe ou en s’impliquant davantage, tous les élèves agissent et interagissent. Lorsqu’un groupe estime sa préparation suffisante, il peut proposer un article pour un numéro de Mediaparks à venir. Comme l’écriture du premier jet ne sera sans doute pas de qualité suffisante, le coordonnateur de l’article peut prendre contact avec des partenaires externes (autres enseignants ou élèves, membres de la famille ou amis, experts issus du monde scientifique, universitaire ou professionnel) pour l’améliorer, le compléter, voire le réécrire conjointement.
Article après article, la progression est rendue plus évidente par le respect des délais de bouclage et des consignes rédactionnelles (articles rédigés en 3200 signes avec chapô et proposition de photos ou de schémas respectant la charte graphique), l’amélioration de la plume, l’autonomie dans les phases d’écriture. Si le texte d’un groupe ne correspond pas complètement à la qualité requise pour devenir un article, il devient la trace écrite recopiée dans cahier. Rien n’est perdu au final.
Objectifs poursuivis
La revue Mediaparks, outil pédagogique éducatif aux mains de trois classes de 4ème, est née d’une volonté partagée par plusieurs acteurs du collège, du quartier et du département d’honorer ces demandes en s’appuyant sur une pédagogie de projet à la fois innovante et connectée au monde actuel. L’utilité pour tous est une donnée essentielle. Il est rare qu’enseignants et élèves trouvent un intérêt commun dans le développement d’un projet intégrateur. Mediaparks permet aux enseignants d’évoluer de manière encadrée et rassurante vers une pédagogie coopérative, impliquante, et valorisante, et aux élèves de construire leurs apprentissages de façon autonome, différenciée, intrinsèque (on n’éprouve pas en soi le désir d’apprendre à faire une division, en revanche, on a besoin de construire sa propre réflexion). Médiaparks est donc bien plus qu’un média, bien plus qu’un journal de collège, c’est une matrice qui connecte la communauté apprenante à la société globale dans une démarche d’éducation collective.
Le respect du socle et l’application des programmes disciplinaires
Mediaparks est au donc au cœur des cours d’histoire-géographie des trois classes concernées. De près ou de loin, toutes les activités en classe ou en dehors du temps scolaire lui sont liées : la réflexion sur de grandes questions de société sont des reformulations des nouveaux programmes d’éducation morale et civique, l’acquisition de connaissances spécifiques à l’histoire-géographie donnent lieu à la rédaction d’articles de fond sur les enjeux temporels et territoriaux des thèmes centraux de chaque numéro (les conflits, la mémoire, la puissance, les murs qui nous séparent...), les séquences d’analyse des médias, de méthodologie de recherche documentaire et les ateliers d’écriture permettent de valider l’acquisition des compétences du socle.
L’évaluation, à la fois collective et différenciée tient compte, en plus des compétences habituelles, de la régularité dans le travail, de l’implication, de la marge de progrès, de l’autonomie, de la relation à l’autre (transmission par les pairs, compétences communicationnelles, aptitude à s’organiser et à s’intégrer dans un groupe, argumentation, gestion de crise, démarche d’investigation lors d’entretiens avec des adultes experts) : en somme, la capacité à construire une posture responsable, fiable et professionnelle. Médiaparks devient un vecteur stimulant de la réussite personnelle et collective, de la bonne image de soi, dans et hors du collège, car la portée du projet dépasse le simple apprentissage scolaire. C’est pourquoi cette revue ne peut être classée aux côtés des journaux de collège : la diffusion doit être externe, tournée vers le quartier, la ville, la société.
L’implication des élèves
Les élèves sont motivés s’ils se sentent impliqués personnellement. Il importe donc d’introduire la notion de situation authentique. Le choix du sujet dans une pédagogie de projet, surtout quand on demande à ce qu’elle soit en relation avec les programmes, est une question cruciale. Il faut vraiment réfléchir à ce qui donne du sens à une activité et non pas penser seulement au dispositif pédagogique. Je cherche, je travaille pour avoir quelque chose à dire qui intéresse les autres et cela induit le choix de la « réalisation », élément terminal du projet. Dans le cas évoqué, il n’y a pas de production incluse dans un projet, il y a simplement une modalité d’enseignement qui permet aux élèves de travailler par compétences. La publication du magazine papier centrée sur une thématique relève d’une activité de communication et donc de partage avec l’environnement social.
L’adaptation aux difficultés d’apprentissage ou à la moindre motivation de certains élèves par la mise en place d’une pédagogie différenciée qui s’appuie sur le principe selon lequel chacun peut faire quelque chose d’utile pour le groupe (vérification d’informations, copie de textes avec un logiciel de traitement de texte, recherches de personnes ressources, collecte rigoureuse de conventions de droit à l’image), assure qu’aucun élève ne restera durablement isolé et inactif dans la classe.
Pourtant, certains élèves n’accrochent pas d’emblée à cette méthode de travail, soit parce qu’ils ne se sentent pas concernés (la pédagogie de projet a pour limite l’absence de volonté de l’élève de « jouer le jeu »), soit parce que les parents ne cautionnent pas cette organisation de l’enseignement par compétence qui ne correspond pas à leur représentation classique d’un cours d’histoire-géo. Il convient alors d’agir avec souplesse et de penser, comme un kinésithérapeute, qu’un travail régulé dans le temps peut être plus efficace qu’un choc violent pouvant entrainer une fracture. Il faut laisser le temps aux élèves et aux parents de prendre conscience que la donne scolaire a changé et que rien ne se fera sans qu’ils le veuillent.
L’évolution se fait progressivement, par des invitations, des perches tendues et beaucoup de dialogue. Bien sûr, dans le cadre de la réforme du collège 2016, Mediaparks s’inscrira parfaitement dans les nouvelles modalités d’enseignement en offrant un cadre structurant aux EPI. Elèves et parents sceptiques, informés sur une réforme de l’enseignement rendue concrète, pourront plus facilement se sentir rassurés par le nouveau cadre de fonctionnement de Mediaparks aux rentrées suivantes.
La question de la classe inversée
Pour fonctionner durablement en profitant au mieux de l’implication des élèves, Mediaparks nécessite une appropriation réfléchie de la pédagogie de classe inversée. Les modèles de capsule d’autoformation présentées en ligne remplacent trop facilement le cours magistral en classe par des vidéos éducatives à visualiser à la maison. Souvent, l’utilisation du multimédia (notamment les vidéos produites et réalisées par les élèves) est l’innovation la plus convaincante. Or, ce qui est recherché dans Médiaparks, ce n’est pas de créer des capsules vidéo de ce type (cette fonction est dédiée à un autre projet, parallèle à Médiaparks, incluant des élèves dans une entreprise de communication en classe nommée Boîte de Com’), car un journal en ligne est en soit un média très spécifique. Comment se servir de ce dispositif de classe inversée pour le mettre au service de l’activité des élèves mais aussi de la diversification et de la différenciation ?
La problématique tourne autour de questions situationnelles
Que fait-on en classe ? Que fait-on à la maison ? Il y a consensus sur le fait que tout commence en classe. L’enseignant tient le rôle de celui qui pose une question susceptible de lancer les élèves dans une recherche. Les élèves cherchent d’autres questions qui découlent de la première posée par le professeur. Il s’agit tout simplement de travailler sur la capacité à élaborer une problématique.
Le fait de partager ensuite les tâches entre tous les élèves relèvent de la différenciation mais aussi du travail collaboratif. A la maison, ils vont avoir à réaliser le travail demandé à partir d’une banque de données qui incluent les documents fournis par le professeur. Ces informations sont élaborées de manière didactique et adaptée au niveau des élèves en matière de vocabulaire et d’exposé à portée des élèves. L’objectif est de proposer aux élèves cette ressource quand et s’ils en ressentent le besoin. L’accent est mis sur l’activité de recherche et la capacité à cerner un problème. Les élèves reviennent en classe avec le corpus de documents qu’ils ont sélectionné. Dans leurs recherches, il y a bien entendu des documents qui sont moins recevables que d’autres.
Prendre conscience que tous les documents ne se valent pas devient un bénéfice induit à partir d’une erreur utile. L’erreur se discute, s’explique et permet d’apprendre à se documenter. Le fait que les élèves participent à la composition de la banque de données situe l’apport magistral du professeur comme une ressource parmi d’autres. On travaille sur des compétences et elles sont plurielles, on pense en termes de progrès. Arrive le temps de la synthèse qui a lieu en classe : expérience de jugement critique, de vision globale, de tri des documents compilés et d’écriture individuelle ou collective, selon des modalités d’organisation choisies par les élèves. Une seule consigne, personne ne doit rester inactif car
cela n’est pas professionnel.
Modalité de mise en œuvre
A l'heure actuelle, la pédagogie de classe inversée permet de délocaliser le temps de recherche et d'écriture hors de la classe. La réforme du cycle 4 va ouvrir de nouvelles perspectives en intégrant les EPI au projet, le rendant plus fluide et moins chronophage en terme de gestion.
Difficultés rencontrées
la nécessité d'être patients avec les élèves quant à leur implication et la pertinence de leur écriture. Ils ont besoin qu'on laisse longtemps la porte ouverte pour rejoindre le projet, les avancées se font par sollicitations répétées, par invitations à s'épanouir dans un projet collectif. La qualité de l'écriture ne s'obtient que par la répétition des opérations d'écriture / correction accompagnée. Plusieurs cycles sont nécessaires pour obtenir un résultat optimal, ce qui est chronophage et menace régulièrement les échéances de publication.
Moyens mobilisés
L'histoire géo EMC sont des occasions formidables de provoquer l'écriture d'articles par les élèves. Ils s'emparent des thématiques du cours et poursuivent la réflexion hors de la classe. Ils s'engagent dans un processus d'appropriation en rencontrant des experts hors de la classe pour co-rédiger des articles de haute qualité humaine et intellectuelle.
Partenariats
L’équipe éducative du collège
Le chef d’établissement est partie prenante du projet en tant que responsable éditorial du journal. La signature de l’édito lui revient. Mais l’équipe éducative au complet peut être concernée par l’édition du magazine (infirmière, enseignants, conseillère d’orientation, assistante sociale, surveillants) et s’y impliquer dans une logique de cogestion.
Partenaire universitaire
L'Université Rennes 2 UFR Sciences sociales, par l'intermédiaire de Loïc Rivault, directeur adjoint de l'UFR Sciences Sociales veut développer le partenariat déjà existant entre l’université et Rosa Parks en mettant en contact les collégiens impliqués dans Mediaparks avec des étudiants issus des groupes de TD de licence dans le cadre d'une VEE. Une convention entre l’université et le collège a déjà été établie dans ce sens. Ce partenariat s'est essaimé au fil des ans auprès de l'IEP Sciences politiques de Rennes et l'ENSAI (école de statistique)
Partenaires institutionnels
Toutes les échelles de responsabilité territoriales sont impliquées à un moment ou un autre dans les projets de Mediaparks : de la ville à la métropole, le département, la région et même l'Etat par l'intermédiaire de la préfecture dans le cadre de la politique de la ville. Ces liens se doublent de relations plus spécifiques avec les services culturels, les institutions locales comme les Champs Libres ou l'Opéra d eRennes.
Plus-value de l'action pour les élèves
- Retrouver une bonne image du collège et dans le collège : les élèves développent une identité collective mieux valorisée, fondée sur la responsabilité, le sens éthique et l'estime de soi.
- Les élèves développent un lien d'appropriation spécifique avec leurs enseignements qui prennent un sens plus affirmé dans la mesure où les articles publiés en révèlent les enjeux fondamentaux.
- Les compétences du socle s'acquièrent dans une perspective concrète et se connectent à leur réalité sociale.
- l'autonomie, l'initiative, l'entraide et la créativité se développent dans ce projet collectif, global, où chacun identifie sa place et sa fonction dans le groupe.
Effets constatés
Sur les acquis des élèves :
- Acquisition des compétences du socle en les connectant à la réalité de la vie sociale
- Assimilation des programmes scolaires de façon plus personnelle et efficaces, en leur donnant du sens
- Amélioration des comportements scolaires (travail régulier, implication, respect des consignes de travail)
- Goût accentué de la réussite par la participation à une œuvre collective
- Développement la créativité et l’esprit d’entreprendre
-Travail en équipe et en autonomie
Sur les pratiques des enseignants :
-Développement de l’interdisciplinarité et la recherche de nouvelles pratiques éducatives
-Amélioration du relationnel élèves / enseignants par l’implication de chacun dans un projet conjoint
- Temps d’écoute spécifique pour aider au mieux les élèves dans la réalisation de leurs articles
Sur l'établissement :
- Développement du lien de confiance entre l’institution scolaire et les parents d’élèves en montrant l’implication de l’établissement dans des projets innovants, porteurs de sens, formateurs et structurants pour leurs enfants.
- Amélioration de l’image du collège auprès de tous les partenaires en montrant que Rosa Parks retrouve des perspectives de réussite
-Consensus collectif pour l’équipe enseignante en offrant un champ d’expérimentation favorable aux innovations collectives issues de réflexions universitaires, pédagogiques et interdisciplinaires.
Sur l'environnement global :
- Extension de la réussite scolaire au niveau de valeur collective et montrer que l’innovation peut provenir de la jeunesse des quartiers
- Emergences de liens plus favorables entre institutions, associations, entreprises et acteurs locaux dans une dynamique constructive à même de créer une boucle vertueuse sur le quartier en s’appuyant sur le partage, le respect de l’autre et le désir d’entreprendre collectivement (Mediaparks est un média d’information qui peut fédèrer les acteurs du quartier dans une identité collective valorisante).
- Initiation à la démocratie participative en rendant les élèves acteurs du lien entre institutions publics et populations du quartier, en créant un champ de débat et de réflexion sur les questions de société.
- Rupture de l’isolement intellectuel et reprise en main de l’image médiatique du quartier en disqualifiant les préjugés diffusés par certains « médias voyous » (la Chaîne 23 et son reportage sur la délinquance à Villejean par exemple)
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