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Algérie 2 : Les femmes d’anciens d’Algérie, entre guerre et acteurs






Après avoir rencontré François, ancien d’Algérie, penchons-nous sur leur moitié, celles qui partagent leur vie depuis tant d’années : leurs femmes.


Après avoir conversé avec Francine, j’ai rencontré Andrée Lasbleiz, dit « Dédée », ainsi que Yolande Le Moigne, ma grand-mère. Elles travaillaient toutes deux dans la même structure, ainsi que leurs maris respectifs. Aujourd’hui encore, à 81 ans et bientôt 80 ans pour Dédée, leur amitié perdure.


Leur chemin de vie de couple est différent. Norbert Lasbleiz, ancien combattant d’Algérie et mari de Dédée, était à nos côtés pour écouter et me parler de son vécu. Quant à Arsène, mari de Yolande, mon grand-père, n’est plus de ce monde depuis maintenant 10 ans.

Parler de la guerre reste et restait « tendu », tant bien avec leur mari, que maintenant. Elle fait remonter des souvenirs enfouis, pour elles, mais aussi pour Norbert.




Une guerre pas si connue que cela


Bien qu’Arsène et Norbert sont partis « faire l’Algérie » en 1957 et 1959 respectivement, connaître leur vécu reste un grand mot pour elles.


Elles me racontent quelques faits marquants qu’ils leur ont partagés : « Arsène a été porté disparu pendant quelques jours. Il est tombé dans une embuscade, ils sont tous morts sauf deux. Son collègue à côté de lui avait dit : « ça va être notre tour », Arsène lui rétorqua « non ! Fait le mort ! ».


Norbert lui a été blessé à la guerre. Il est lui aussi, sans doute, tombé dans une embuscade. Ils étaient trois, il ne resta que Norbert. Dédée me raconte « on s’envoyait des lettres tous les jours. Le 15 août, il me disait partir en mission, je savais que je n’allais pas recevoir de lettres. Mais le lendemain, j’ai reçu une lettre de ma belle-sœur qui m’annonça la nouvelle. Norbert a été pendant un mois dans le coma, je n’ai pas eu de nouvelle pendant tout ce temps ».


Pour Francine, savoir ce que François a vécu restait presque inconnu. Elle me dit, « c’est quand ils ont ensemble qu’ils parlent, sinon jamais ».


Ces souvenirs restent des faits marquants qui leur ont été confiés. En revanche, connaître les faits marquants de cette guerre reste inconnu pour elles.



Vivre avec le silence de leur mari ?


Ce silence débute dès leur retour. Elles me confient « on n’en a jamais parlé, ça les rendait nerveux, il ne voulait pas en parler, car ils ont vécu des choses dures ». Ces propos font écho à François ; ne pas vouloir en parler. Pour autant, ce silence reste dans une certaine normalité. Elles ne connaissent pas cette histoire encore aujourd’hui.


On peut s’interroger sur leur silence qui pèse pour elles : elles me répondirent non. Bien qu’elles n’aient pas fait la guerre, elles l’ont vécu indirectement. Norbert juste avant de partir : « je t’offre cette bague de fiançailles, car je ne suis pas sûr de revenir ».


Après cet échange, j’ai su qui doit réellement vivre avec ce silence : nous, leurs descendants. Alors est-ce que le père de Dédée avait-il raison en disant « tant qu’il y aura des déportés, on n’en parlera pas de cette guerre ».


Toujours est-il, que cette guerre a existé, que leurs mémoires existent et que ces anciens d’Algérie font partie de l’Histoire même en gardant leur propre histoire.



Par Auriane Le Moigne

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