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Chypre : l'île de la Division part 2/3





Histoire et Enjeux Géopolitiques




Période précoloniale à coloniale


Chypre a été un carrefour de civilisations dès l'Antiquité, avec des influences successives des Grecs, des Phéniciens, des Assyriens, des Égyptiens, des Perses, et enfin des Romains. Chaque conquérant a laissé sa marque, contribuant au riche mélange culturel de l'île. La période byzantine a introduit le christianisme orthodoxe, devenu un élément central de l'identité chypriote grecque.


L'arrivée des Lusignans et des Vénitiens entre le XIIIe et le XVIe siècle a introduit des éléments de la culture occidentale, mais c'est l'occupation ottomane de 1571 à 1878 qui a transformé de manière significative la démographie de Chypre, avec l'introduction d'une importante population turque musulmane sur l’île.


La période coloniale britannique, débutant en 1878, a marqué le début de la modernisation de Chypre mais a également semé les graines de la division. Les Britanniques ont exploité les ressources de l'île et ont introduit des structures administratives et légales modernes, mais ont également diminué les droits des chypriotes et  exacerbé les tensions communautaires, utilisant une politique de "diviser pour régner".



La lutte pour l'indépendance


La quête de l'indépendance a commencé sérieusement après la Seconde Guerre mondiale. La majorité grecque de l'île aspirait à l'Enosis, ou union avec la Grèce, un désir cristallisé par le référendum de 1950 qui a vu une écrasante majorité de Chypriotes grecs voter pour l'union avec la Grèce, bien que ce référendum ait été ignoré par les autorités coloniales britanniques.


Les tensions ont atteint un point de rupture dans les années 1950, culminant avec la guérilla menée par l'organisation nationaliste grecque EOKA contre la domination britannique. La réponse britannique a été d'armer et d'encourager la minorité turque chypriote, créant ainsi une fracture encore plus profonde entre les deux communautés.



Indépendance et conflits


L'indépendance en 1960, négociée à Zurich et à Londres, a créé une république bicommunautaire avec des garanties complexes destinées à protéger les intérêts des deux communautés. Cependant, les déséquilibres constitutionnels et les mécanismes de protection ont rapidement conduit à l'impasse et à l'animosité, culminant dans les violences de 1963-64 avec la communauté turque soutenant le Taksim, projet visant à séparer l’île en deux, encouragée par la Turquie. Ces affrontements ont entraîné des représailles ainsi qu’un déplacement de populations et une ségrégation de facto de l'île, préfigurant la division physique à venir. L’ONU est obligé d’intervenir via la résolution 186 pour calmer les tensions, après un échec de l’intervention des États-Unis visant à apaiser les tensions s’étendant à la Grèce et la Turquie, toutes deux membres de l’OTAN, en pleine guerre froide.



L'intervention turque et ses conséquences


En 1974, un coup d'État de la garde nationale chypriote, orchestré par le régime des colonels en Grèce et visant à réaliser l'Enosis, a été le prétexte de la Turquie pour intervenir militairement à Chypre. Cette intervention, bien que présentée comme un effort pour restaurer l'ordre constitutionnel et protéger la minorité turque chypriote, a abouti à l'occupation du tiers nord de l'île par la Turquie et à une division de facto qui persiste.


Les conséquences de cette division ont été profondes : des dizaines de milliers de personnes des deux communautés ont été déplacées, des propriétés ont été abandonnées ou saisies, et une barrière, la Ligne verte, a été établie, divisant Nicosie et l'île entière. Cette période a également vu une augmentation significative de l'immigration turque vers le nord de Chypre, altérant davantage la composition démographique de l'île, y laissant ses soldats et y envoyant des colons.



Impasse politique et tentatives de résolution


Depuis 1974, de nombreuses tentatives de résolution du conflit chypriote ont été entreprises, notamment les pourparlers intercommunautaires sous l'égide de l'ONU. Cependant, les questions clés de la sécurité, de la garantie, de la répartition territoriale et du retour des réfugiés restent sans solution. L'échec du Plan Annan en 2004, rejeté par la majorité des Chypriotes grecs lors d'un référendum, a illustré la profonde méfiance et les obstacles à une réunification pacifique de l'île.


La situation actuelle est donc le résultat d'une histoire longue et complexe de domination étrangère, de luttes pour l'autodétermination et de conflits intercommunautaires. Les enjeux sont à la fois personnels, touchant à l'identité et au retour des personnes déplacées, et stratégiques, avec des implications régionales et internationales, notamment en ce qui concerne la sécurité en Méditerranée orientale et l'accès aux ressources énergétiques.



Dimitri SZEMPRUCH


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