On ne devient pas magistrat par hasard. C’est un métier étrange et peu naturel que de juger ses congénères. Le magistrat n’est pas la justice, on dit que celle-ci parle à travers lui. Bien sûr, cela n’écarte pas les frustrations. Par exemple, un procureur va chercher la vérité, mais sera toujours frustré de ne pas connaître toute la situation qui a conduit à une infraction : « Difficile de lâcher certaines affaires, c’est-à-dire de transmettre un dossier à un autre magistrat qui la poursuivra, à sa manière, en fonction des nouvelles découvertes de l’enquête. Je sais ce qui se passe à un moment donné, mais je ne peux qu’imaginer ce que sera la suite ». Ainsi, le procureur prend la décision d’engager des poursuites juridiques sans avoir toutes les informations qu’il souhaiterait et d’assumer l’imperfection que cela implique.
Au regard de ses dilemmes personnels ou professionnels et des raisons pour lesquelles il a choisi ce métier, un magistrat, qu’il soit juge ou procureur, n’est pas complètement intégré à la société et n’est pas un citoyen bénéficiant des mêmes libertés que les autres (interdit d’entrer dans un casino de sa zone professionnelle ou de répondre aux médias). Le magistrat ne peut se comporter en public de manière inadaptée au regard de sa fonction : il serait sanctionné de manière administrative si son comportement pouvait nuire à la représentation ou à l’indépendance de la Justice. Que dirait-on d’un magistrat ivre en public ou qui raconte ses affaires sur les réseaux sociaux ? De la mesure dans toutes ses actions, dans la vie publique comme dans la vie privée, voilà ce qui ponctue la vie d’un magistrat.
Ronan Chérel
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