Le titre de son livre peut surprendre par sa gravité : « Sauver la liberté d'expression », sans point d'interrogation. Pourquoi la philosophe Monique Canto-Sperber tire-t-elle la sonnette d'alarme ?
La liberté d'expression, fille de la Révolution, découle de la notion de démocratie. C'est un droit fondamental qui va de pair avec la liberté de la presse. L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme précise: « Chacun a le droit à la libre expression dans les limites définies par la loi. » Les lois de 1881 en ont fixé le cadre général, mais l'interprétation reste difficile.
Aujourd'hui, tout le monde peut non seulement parler, mais profiter de l'audience des réseaux sociaux, où les codes du langage n'existent guère. D'un côté, les porteurs d'un discours haineux; de l'autre des tentatives de manipulation ou les assauts de certains défenseurs de valeurs, décidés à faire taire les autres. Autant de menaces sur l'expression publique. Alors, l'aspect positif d'internet, qui permet de dénoncer des abus et de mobiliser les citoyens, s'efface devant les exigences de minorités qui veulent décider de ce qu'il faut dire ou pas. Les médias, les universités ou les musées sont concernés.
On se souvient que la directrice de la troupe du Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine, connue pour son humanisme, avait fait l'objet de pressions de minorités autochtones canadiennes. Celles-ci voulaient faire annuler les représentations de la pièce de Robert Lepage qui évoquent les persécutions subies par les Indiens. Motif : aucun membre de ces minorités n'était sur scène.
Ariane Mnouchkine avait fait valoir que le spectacle ne violait aucune des lois de la République et l'avait maintenu, un peu plus tard. Avec cette femme de théâtre, disons que personne ne peut se substituer à la loi pour décréter que telle ou telle œuvre doit être censurée.
Paul Goupil
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