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Le gouvernement Scholz et les nouveaux murs






Le 8 décembre 2021, Olaf Scholz prend ses fonctions de chancelier allemand. A la tête d’une coalition SPD-FDP-Grünen, l’alliance en feu tricolore a beaucoup de pression pour succéder à 16 ans de gouvernement Merkel. Et le pari que semble adopter ce gouvernement est l’originalité. Notamment en réaction à la guerre ukrainienne, le cabinet Scholz rompt des traditions allemandes de gouverner, pour certaines datant de 1945, les unes après les autres. Que ce soit sur le plan économique, écologique, sécuritaire, géopolitique ou même social, l’heure est au changement. En effet, dès sa prise de fonction les évolutions fusèrent.




Pour comprendre au mieux l’unicité de ces changements, il faut s’attarder quelque peu sur la composition du premier cabinet Scholz. Tout d’abord, une coalition en feu tricolore est une alliance inédite au niveau fédéral. Le parti de O. Scholz, le Sozialdemokratische Partei Deutschlands (partie social-démocrate allemand) n’a plus était au chef de gouvernement depuis 2005 et le gouvernement Schröder. Pour cette nouvelle coalition, le SPD a décidé de tourner le dos au parti sortant d’Angela Merkel et a préféré privilégier ses alliés historiques. Le Freie Demokratische Partei (parti libéral démocrate), mené par C. Lindner, est un parti à tendance libérale et adepte de rigueur économique. Et le parti die Grüne (les verts), mené par A. Baerbock, est l’un des plus grands gagnants de ces élections et accède pour la seconde fois au poste d’allié de coalition fédérale. C’est pourquoi, le contrat de coalition devait présenter les lignes directrices du mandat tout en satisfaisant les attentes des trois partis. Revenons sur les principaux points d’intérêts de ce contrat.




Commençons sobrement avec le plan européen. Dans son contrat de coalition, le gouvernement Scholz ne révolutionne pas le point de vue européen de l’Allemagne. Traditionnellement, l’Allemagne a une sainte horreur de la dette souveraine (la théorie du schwarze Null) que ce soit à l’échelle nationale ou européenne. C’est pourquoi, voir quelqu’un comme C. Lindner, nouveau ministre des Finances allemand et chef du FDP, être aux commandes du budget pourrait apeurer les pays d’Europe du Sud. D’un autre côté, le contrat de coalition promet de favoriser la souveraineté européenne, en passant notamment par le triptyque décisionnaire France – Allemagne – Pologne. En substance, le contrat de coalition semble continuer dans la veine merkelienne de la rigueur budgétaire, sans laisser de côté la souveraineté européenne et le soutien du fonds de relance européen (NGEU).

Le premier véritable changement promis par le contrat de coalition est au volet écologique. Die Grünen ont fait une réelle montée dans les résultats électoraux et ont pu ainsi peser dans la balance de négociations, en témoigne la création historique d’un super ministère de l’économie et du climat tenu par R. Habeck (Die Grünen). Mais le réel bouleversement est la nomination d’A. Baerbock (cheffe de Die Grünen) au ministère des affaires étrangères. L’Allemagne semble faire le pari d’un « Green Deal » sur le modèle américain. La question reste de savoir si la rigueur économique qu’impose l’Allemagne à l’Union Européenne ne pourrait devenir une « rigueur écologique ».




L’un des enjeux de l’Allemagne sur le plan international est ses relations avec la Chine. La Chine est le principal partenaire d’échanges économiques de l’Allemagne. Fin 2020, l’ancien gouvernement Merkel avait tenté, sans succès, de créer une européanisation des échanges avec la Chine. Sur ce dossier chinois, le contrat de coalition semble vouloir adopter une posture plus stricte que ces prédécesseurs. En effet, le FDP et Die Grünen ne cachait pas leur désaccord avec le gouvernement d’A. Merkel sur le sujet. L’Allemagne semble vouloir plus sanctionner les manquements aux droits de l’Homme en Chine, en adoptant une attitude plus atlantiste par exemple.




En plus de la Chine, les enjeux géopolitiques allemands se situent avec leur relation avec la Russie. La position particulière de dépendance énergétique vis-à-vis du pays de V. Poutine et la volonté de Washington de délaisser le dossier russe aux Européens mettent l’Allemagne dans une position délicate. Tout comme pour les relations sino-allemandes, on peut sentir l’empreinte des alliés de coalition dans l’hostilité envers la Russie qu’affiche le contrat de coalition. Les mesures énergétiques envisagées par le gouvernement de sortie accélérée du nucléaire doivent aller de pair avec la sortie progressive de la dépendance au gaz russe. Le gouvernement Scholz compte aussi punir les ingérences russes en Ukraine et en Biélorussie.

Enfin, vient le sujet de défense internationale. C’est un sujet épineux qui a dû fortement diviser au sein des trois alliés de coalition, notamment à cause de Die Grünen qui est un parti historiquement antimilitariste. Néanmoins, l’arrivée du gouvernement Biden aux Etats-Unis semble avoir relancé l’atlantisme allemand. En résulte de ces points-de-vues opposés, un contrat de coalition ambiguë sur le sujet. Si l’Allemagne entend vouloir garder sa position défavorable quant à la création d’une défense européenne, elle n’en reste pas moins un soutien dans le programme de partage nucléaire mené par l’OTAN (qui consiste en l’accueil de matériel nucléaire américain sur le sol allemand). D’autant que ce programme irait de pair avec l’achat d’avions militaires américains, négociations entamées par le gouvernement Merkel.




Voilà donc les principales promesses géopolitiques du contrat de coalition en feu tricolore du cabinet Scholz. Le SPD, le FDP et les Verts vont très tôt dans leur mandat faire face aux conséquences du déclenchement de la guerre ukrainienne et ainsi complétement bouleverser les habitudes des gouvernements allemands.



Par Corentin DAUMONT

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