La guerre en Ukraine porte en toile de fond la menace d’attaque nucléaire ouvertement affichée par Vladimir Poutine. Mais la prise de Tchernobyl par les russes le jeudi 24 février 2022 et celle de la centrale de Zaporizhzhia le mercredi 2 mars posent également la question du nucléaire civil. Le conflit porte-t-il en germe une nouvelle catastrophe nucléaire ?
L'Ukraine compte quatre centrales nucléaires en activité soit quinze réacteurs qui fournissaient avant la guerre 50% de l’électricité du pays. Celle de Khmelnitski et celle d'Ukraine du sud ne sont pour l'instant pas menacées. Ce n'est pas le cas de la centrale de Zaporizhzhia, la plus grande d'Europe, qui est à présent occupée par les Russes.
On peut craindre qu’il y ait une volonté politique de sabotage, qui pourrait conduire à un accident nucléaire plus ou moins sciemment provoqué. Les observateurs accordent peu de crédit à cette hypothèse. Difficile de trouver quel intérêt pourrait avoir Vladimir Poutine a agir ainsi.
Mais tant que la guerre fait rage sur les territoires des centrales, la tension est grande.
Comme évoqué dans l’article précédent sur le nucléaire, le risque majeur pour une centrale nucléaire est la fusion du cœur. En cas de guerre, même sans endommager physiquement une centrale par un tir d’artillerie, une défaillance des systèmes de refroidissement devient plus probable. La surveillance humaine peut faillir si les personnels compétents n’ont plus accès au lieu et en cas d’incident, il est évidemment beaucoup plus difficile d’intervenir. L’exemple de Fukushima a montré l’importance d’une vaste opération de sécurisation qui nécessite les moyens d’un état entier (conducteurs d’engins, pompiers, pompes géantes...).
Les autorités de sûreté nucléaire, et notamment l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest (WENRA) surveille attentivement la situation. Le 23 mars, un communiqué a été publié concernant la perte de lignes électrique alimentant la centrale entre le 16 et le 18 mars. Cette alerte a été sans conséquences, mais invite à une vigilance permanente.
Après la prise de Tchernobyl par les russes, le 24 février, de fort taux de radioactivité ont été détectés et il semble à présent que les soldats russes aient séjourné dans la « Forêt Rousse », l’un des endroits les plus contaminés du monde, sans prendre les précautions d’usage. D’après des vidéos filmées par drone, des tranchées ont été creusées.
À l’heure de l’écriture de cette article, il est difficile de prendre la mesure de l’ensemble des risques qui auront été pris, mais la question de la compatibilité de la sûreté nucléaire civile sur un territoire en guerre prend toute sa substance. Lorsqu’un pays déploie des centrales nucléaires, il le fait toujours avec l’hypothèse forte d’une stabilité à long terme. Que vaut cette hypothèse dans l’Europe de 2022 ?
Par Noël DEBARLE
Sources :
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/tchernobyl/guerre-en-ukraine-qu-est-il-advenu-des-soldats-russes-deployes-dans-le-secteur-de-la-centrale-nucleaire-de-tchernobyl_5055211.html
https://www.wenra.eu/sites/default/files/publications/WENRA_ZNPP_LOOP_220323.PDF
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-ce-que-l-on-sait-de-la-situation-dans-la-centrale-de-tchernobyl-apres-sa-capture-par-l-armee-russe_4981335.html
https://www.leparisien.fr/video/video-guerre-en-ukraine-une-chaine-humaine-pour-proteger-la-plus-grosse-centrale-nucleaire-europeenne-02-03-2022-PZUGCEJCUZCGLCTN7ESSEPPUAY.php
https://www.lesiteinfo.com/monde/la-russie-sempare-de-la-plus-grande-centrale-nucleaire-dukraine/
https://www.greenpeace.fr/espace-presse/decryptage-guerre-en-ukraine-des-risques-nucleaires-graves-autour-de-la-centrale-de-zaporizhzhia/
https://www.greenpeace.org/international/press-release/52459/nuclear-hazards-zaporizhzhia-plant-ukraine-military-invasion/
https://www.greenpeace.org/static/planet4-international-stateless/2022/03/6805cdd2-nuclear-power-plant-vulnerability-during-military-conflict-ukraine-technical-briefing.pdf
https://www.lavenir.net/actu/monde/2022/02/25/ukraine-poutine-na-pas-dinteret-a-exploiter-des-sites-nucleaires-comme-armes-SHL3LPGURZGUXKJHHLJ3A5BA4A/