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Le zinc, remède démocratique ?




« Le comptoir d'un café est le parlement du peuple », disait Balzac. Cette phrase du grand romancier français revêt une tournure moins anecdotique en ces temps de gueule de bois sanitaire. À l'approche des fêtes de Noël, tous les commerçants rouvrent leurs enseignes... à l'exception des cafetiers et des restaurateurs.


Bar, troquet, bistrot, bouchon, autant de vocables pour désigner un même plaisir - ô combien coupable de nos jours - celui de se retrouver avec des proches ou des inconnus autour d'un verre fraternel. La pandémie de la COVID-19 a eu raison de ce trait culturel français séculaire. Pour un temps direz-vous, mais ce temps est peut-être celui qui mènera ces petits patrons à la faillite. En quoi ces derniers, qui ont joué le jeu des infinies précautions sanitaires, offriraient-ils un terrain de chasse privilégié à un virus qui, en outre, serait miséricordieux au sein des grands commerces ?


Il semblerait que de nombreux observateurs distraits minorent l'importance symbolique de ces établissements. En annonçant le prolongement de leur purgatoire, c'est à la démocratie dans son expression la plus nue, la plus désintéressée, la plus libre que s'attaque le gouvernement. Qu'il soit citoyen ou philosophique, le café a toujours eu cette fonction sociale et politique de bouillonnement intellectuel et d'échanges humains. Ce refuge de fortune fait oeuvre de salubrité publique: il recueille le chaland en dépit amoureux, offre une table au journaliste pour la rédaction de son article ou s'improvise théâtre de regards et de chaleur auquel s'arriment les solitudes.


Difficile de prédire l'avenir, même avec du marc de café à portée de main. Il est cependant probable que cette entrave manifeste à la liberté et au partage finira par trouver face à elle, quand elle sera mûre, la colère terminale d'un peuple que l'on dépossède chaque jour un peu plus. Il sera alors vain de demander aux Français de mettre de l'eau dans son vin.



Nabil MOUNCHIT


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