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Les Talibans ont-ils changé ?



« Les talibans » : voilà un nom qu’il nous a été donné d’entendre de nombreuses fois depuis bien des années. Particulièrement depuis le 11 septembre 2001, date à partir de laquelle il est inévitablement rapproché d’un autre terme : « terroristes » , raison invoquée par les États-Unis pour expliquer leur présence sur le sol afghan pendant 20 ans. Ne se fier qu’à la vision outre-atlantique d’alors serait peut-être avoir une vision trop simpliste de ce qu’est la réalité du groupe des talibans. Cet enjeu revêt d’autant plus d’importance depuis la reprise du pouvoir afghan par les talibans cet été. Si les images chocs que nous avons pu voir via tous les médias au mois d’août nous ont interpellé par l’impression de détresse qui en émanait, il nous faut comprendre qui sont ces talibans, quels sont leurs buts, leurs revendications : décodage identitaire indispensable pour appréhender ce gouvernement comme un nouvel interlocuteur sur la scène internationale.



Revenons d’abord à l’origine de la création de ce groupe. Alors que la guerre civile bat son plein en Afghanistan, des milices pakistanaises recrutent des réfugiés afghans dans des écoles coraniques près de la frontière. Les talibans sont donc des étudiants en religion (c’est d’ailleurs ce que signifie explicitement le nom « taliban »). Ils prennent les armes en 1994 pour combattre en Afghanistan, avec pour but affiché de pacifier le pays dans le contexte de guerre civile d’alors, qui déchirait déjà l’Afghanistan depuis 5 ans et qui de surcroît faisait suite à une guerre de 10 ans contre l’URSS. Les talibans sont donc soutenus par une partie non négligeable de la population lors de leur arrivée au pouvoir, cette dernière épuisée par les conflits presque ininterrompus depuis plus de 15 ans, et voyant en eux un réel espoir de paix.



Les talibans, en tant qu’étudiants en religion, sont spécialisés dans le droit islamique, la charia. La paix qu’ils revendiquent passe donc exclusivement par le respect strict de cette loi islamique qu’ils se chargent de faire respecter scrupuleusement. La charia devient l’unique base du droit afghan. Pour une partie de la population de l’époque, notamment dans les campagnes, l’arrivée au pouvoir des talibans n’a d’abord pas amené grand changement si ce n’est la fin de la guerre civile puisqu’une partie de la population suivait déjà la loi islamique. C’est donc dans les villes surtout que l’impression que s’abat une chape de plomb sur la population se fait la plus forte.



L’un des faits les plus marquants dans la mise en application de cette loi islamique est le contrôle de la vie privée des individus, et particulièrement de celles des femmes. Dans un pays où les femmes avaient adopté un mode de vie presque occidental, elles subissent alors l’interdiction de travailler, de sortir sans être accompagnées de leur mari ou d’un parent masculin proche, ainsi que l’obligation de porter le tchadri, voile intégral cachant même les yeux par une sorte de grillage. L’adultère est puni par la lapidation. Les hommes eux, se voient dans l’obligation de subvenir aux besoins de leur famille tant qu’ils en ont la capacité. On doit noter d’ailleurs l’existence d’une aide financière en cas d’impossibilité d’accomplir cette tâche, basée sur un prélèvement sur tous les salaires à hauteur de 2,5 %. Une autre caractéristique de la politique mise en place par les talibans est la répression de toutes les formes de culture et de divertissement : les télévisions, les ordinateurs, les appareils photographiques sont interdits, tout comme le fait de pratiquer la danse ou d’écouter de la musique. Les lieux de culture comme les cinémas et les théâtres sont fermés, et des monuments sont détruits : l’exemple le plus parlant étant les bouddhas géants de Bamiyan, sculptures vieilles de 15 siècles détruits par les talibans en mars 2001.



La politique menée par les talibans ne suit donc que les seules règles fixées par la charia, et n’a d’ambition que de les faire appliquer scrupuleusement sur leur sol.



Par Fanny DURAND

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