En classe, les grandes réflexions naissent parfois de conversations anodines. Le thème de ce Mediaparks n°5, « ces murs qui nous séparent » puise son origine dans un échange avec des élèves sur la notion de comparaison. Celle-ci, lorsqu’elle concerne des objets inanimés comme les monuments, les œuvres d’art ou de la nature pose moins de problèmes relationnels car chacun affirme et exprime ses Goûts personnels.
La comparaison entre êtres humains, en revanche, est plus délicate, car la compétition ou le sentiment d’être jugé qu’elle génère, peut manifester une forme de violence qui traduit la dégradation, le rejet, de celui ou celle qui ne retient pas la préférence : en sport quand deux équipes sont constituées et qu’on n’est pas choisi, en classe quand personne ne veut travailler avec nous ou qu’on a une note moins élevée que celles des autres. Le classement serait-il destructeur d’identité et de bienveillance collective ?
Au fond cette conversation interrogeait l’intégration de l’individu dans une communauté, l’image de Soi et le rapport à l’Autre. En déterminant qu’on est mieux que notre voisin, on valide l’idée qu’il ne mérite pas vraiment de vivre près de nous, on l’exclut. Pourtant chacun est le fruit de sa propre histoire, de sa culture, des aléas de sa vie. Les conditions d’existence construisent des êtres différents. À chacun ensuite de rechercher et d’exprimer ce qu’il a de meilleur en lui pour vivre en société. La richesse des êtres humains c’est leur différence, la force de l’humanité c’est de s’accepter les uns les autres pour bien vivre ensemble.
Le drame intervient lorsque cette humanité est niée : les murs physiques ou psychologiques qui s’érigent alors expriment un déni de collectivité. Vingt-six ans après la chute du mur de Berlin, le « mur de la honte », la planète se couvre à nouveau de clôtures et de murs de béton ou de taule pour séparer les hommes ou canaliser les flux de population. Les mobiles politiques ou économiques avancés pour justifier cette ségrégation géographique, cette fermeture des frontières, ce gouffre que l’on creuse entre « Eux et Nous », sont moralement condamnables et géopolitiquement mal avisés.
L’histoire montre que les murs s’effondrent un jour ou l’autre, qu’on les contourne, qu’on les dépasse. S’ils nous rassurent parfois, c’est de manière trompeuse car ils ne règlent rien : Construire un mur, c’est transmettre un message de rejet, un aveu d’échec, une façon de dire qu’on ne veut plus discuter, qu’on ne veut plus considérer l’existence de l’autre. Le mur construit du silence à la place des mots, de la violence à la place des partages. Il existe en soi. Dans l’esprit d’une morale civile, seul le droit est susceptible d’ajuster les relations entre les hommes.
C’est pourquoi celui-ci intervient au fondement de l’égalité. « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits ». Il doit s’agir du droit juridique bien sûr, mais aussi du droit moral d’être soi-même, d’être considéré, accepté, de se développer en faisant et en assumant nos propres choix. Cette égalité de droits s’accompagne, même si on l’oublie un peu vite, d’une égalité de devoirs : le respect pour tous, la fraternité comme lien social, la bienveillance envers ceux qui nous entourent. Cette égalité de droits et de devoirs, perçue dans toute sa dimension humaine, a contribué à bâtir notre société républicaine. En ces temps d’épreuves, il est peut-être temps de régénérer nos valeurs citoyennes et, ensemble, d’abattre ces murs qui nous séparent.
Yann Renault et Ronan Chérel
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