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Être une femme en Inde






En 2019, l’Inde comptait environ 1,4 milliards d’habitants, faisant de ce pays le deuxième plus peuplé au monde. Cette année-là, ce sont environ 500 000 femmes qui ne sont pas nées, soit 108 garçons pour seulement 100 filles. Je pourrais rallonger cette liste de valeurs mais on voit très bien que pour l’Inde, « l’enjeu démographique du siècle » n’est pas qu’une innocente tournure de phrase. L’une des principales raisons de ce déséquilibre sex ratio est le contrôle ante-natal du sexe des fœtus. Malgré la loi indienne qui interdit cette pratique depuis les années 1980, les naissances féminines sont contrôlées par les familles grâce aux échographies. Ceci est le témoin d’une profonde discrimination genrée enracinée dans les mentalités indiennes que je propose de survoler ici.




Les images traditionnelles de la place des femmes en Inde (et par amalgame des femmes en Asie du Sud-Est) sont peu glorieuses. Mais paradoxalement, de plus en plus de femmes indiennes accèdent à de hautes fonctions publiques, comme Pratibha Patil première présidente de la république indienne de 2007 à 2012. Alors où en est-on réellement ? Les femmes indiennes sont-elles toujours chassées et cachées ou au contraire sont-elles en passe de libération et d’égalisation des sexes ?




Malheureusement il n’y a pas de fumée sans feu, les femmes indiennes restent aujourd’hui fortement contraintes dans leur vie de tous les jours. Ces contraintes sont ancrées dans les esprits par plusieurs idéologies morales ou religieuses. Les femmes indiennes sont des mineures éternelles, davantage immorales que l’homme, elles ont pour habitude de rester sous leur tutelle (père, frères, mari…). Elles ont pour devoir moral de se marier et de procréer sans nuire à la réputation familiale.




Tout ceci m’amène à aborder le point qui plane sur cet article depuis le début : les femmes ne sont pas libres de décider et de vivre autant que les hommes en Inde. Ces restrictions s’expriment au quotidien d’un point de vue territorial : il existe, en Inde, des territoires féminins et des territoires masculins. Les femmes ne peuvent pas se déplacer librement dans la ville. La mobilité des Indiennes est restreinte, collective et utile. Restreinte d’abord, car elles sont assignées à l’espace restreint que représente le foyer et le proche voisinage. Il serait honteux pour la famille que l’on aperçoive une femme se balader dans les rues de Mumbai. Collective ensuite, car les Indiennes ne se déplacent pas seules : les femmes du foyer, les fillettes et les voisines se déplacent ensemble quand elles ont besoin de faire quelque chose de précis, comme faire les courses. Enfin, la mobilité des femmes en Inde se fait dans un but précis. Les Indiennes ne flânent pas dans les rues ou ne restent pas au bar avec leurs amies. Il n’est même pas rare de voir un mari aller chez le médecin pour sa femme, lui décrire ses symptômes et lui administrer des médicaments sans aucune consultation directe, afin que la femme du foyer ne soit pas vue hors du voisinage.




Il existe néanmoins une autre possibilité pour les Indiennes dans leur déplacement quotidien. La restriction prend fin là où la cachette débute ! Pour certains déplacements, les Indiennes peuvent, et se doivent, de se déplacer seule en cachant leur destination afin de ne pas faire honte à la famille (comme des déplacements chez le gynécologue).




Ces problèmes territoriaux, que vivent les Indiennes au quotidien, sont les témoins des idées morales et religieuses de la société indienne. Dès l’enfance, les jeunes filles vivent dans les territoires assignés aux femmes, entre femmes, et apprennent, consciemment ou non, leur place à la fois dans la société que dans la ville indienne. Elles apprennent aussi que les signes de leur féminité doivent être cachés sous peine de léser leur famille. C’est pourquoi, que ce soit conscient ou non, les territoires sont les principaux outils de la reproduction sociale qui contraint les Indiennes.



Par Corentin DAUMONT



Sources pour écrire l’article:

« Femmes en Inde. », V. Chasles, L’information géographique, 2008.

« Féminisation des parlements, quotas et transformation de la représentation en Inde et au Pakistan. », V. Dutoya, Critique Internationale, 2012.

« La professionnalisation de la cause des femmes en Inde. », V. Dutoya, Actes de la recherche en sciences sociales, 2018.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pratibha_Patil

https://population.un.org/wpp/DataQuery/

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