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Les sources : la base de toute recherche historique




Afin de contribuer à mes réflexions sur la représentation des bijoux de Marie Leszczynska dans les collections d'art, la recherche historique sur un ensemble de sources fut indispensable. Le travail de l'historien est une sorte d'enquête au sein de laquelle celui-ci est à la recherche d'indices qui peuvent permettre de faire des hypothèses, pour ensuite les confirmer ou les démentir par la découverte d'autres informations. L'essentiel du travail du chercheur est aussi de croiser les sources. Il semble difficile de se fier à une information vue une seule fois dans une source. Il est nécessaire de croiser différents types de sources afin d'obtenir la vision la plus large possible sur ce que nous avançons.



Ainsi, pour réaliser cette étude, le corpus iconographique sur lequel je me suis appuyé comporte soixante-trois portraits, gravures ou dessins illustrant la reine, la dauphine Marie- Josèphe de Saxe, la marquise de Pompadour ou bien d'autres femmes de la cour mais aussi un ensemble iconographique illustrant des bijoux du XVIIIe siècle.




Les sources iconographiques


Les bijoux ayant un caractère éphémère, cela pose de nombreuses difficultés dans les études qui leurs sont consacrées. L'iconographie reste la source première pour faire l'étude de ceux-ci, avec ses avantages et ses lacunes.


Le portrait


La plus grande partie de ce mémoire se concentre sur l'étude des portraits de Marie Leszczynska. Il est à noter que l'historien délaisse souvent le portrait, source qu'il confie davantage à l'historien de l'art. Pourtant, au même titre que les archives, les portraits sont de véritables sources d'informations.Néanmoins, il faut toujours rester prudent et il est souvent nécessaire de faire appel à d'autres sources. Ces images sont de nature politique, elles sont pour la plupart émises par le pouvoir et il faut toujours garder cette dimension à l'esprit. Les sources iconographiques représentant la reine sont nombreuses. En effet, des artistes participent largement à peindre les femmes et hommes de la famille royale. En France, c'est notamment le cas de Jean-Marc Nattier, de Carle et Jean-Baptiste Van Loo ou encore de François Stiémart. Comme mentionnés dans le premier article de cette série, les peintures et les portraits sont essentiels à la cour au XVIIIe siècle car ils participent à la construction visuelle du pouvoir royal. Afin de réaliser cette étude sur la représentation des bijoux, je me suis appuyée sur dix-sept portraits de Marie Leszczynska que j'ai mis en comparaison avec onze portraits de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe et dix portraits de la marquise de Pompadour.


De l'étude de ces portraits se distinguent deux catégories. Les portraits dans lesquels la reine porte de nombreux bijoux, ce sont des portraits en majesté, des portraits d'apparat. Douze sont à dénombrer parmi les dix-sept du corpus. À partir de 1740, les parures se font plus discrètes et cinq des dix-sept portraits l'illustre.



La gravure et les estampes


Les gravures, de la même manière que pour les portraits, sont souvent les dernières traces des bijoux portés par ces femmes. De plus, contrairement à la peinture qui circule uniquement au sein des élites, il y a un rôle de diffusion massive de ce type d'iconographie. En effet, ces gravures sont généralement imprimées puis diffusées dans l'ensemble du royaume et des cours européennes. Dans le cas de cette étude, trois gravures concernant Marie Leszczynska ont retenues mon attention. La couronne d'une reine est un élément central de sa parure, d'autant plus qu'elle apparaît à de multiples reprises dans ses portraits. Matériellement, ce joyau n'existe plus, les pierres sont démontées puis remontées sur d'autres parures. En revanche, une trace de cette couronne persiste. Il s'agit d'une gravure, conservée dans les collections du château de Versailles. Germain Bapst, un joaillier du XIXe siècle, publie un ouvrage en 1889, Histoire des Joyaux de la Couronne de France, dans lequel il inclut un dessin du collier de Marie Leszczynska sur lequel pend le Sancy ainsi que le Régent. Ce sont des diamants de la Couronne, c'est-à-dire des diamants appartenant à la royauté. Enfin, c'est un portrait gravée de la reine par Laurent Cars qui a retenu mon attention car celle-ci y est représentée couverte de bijoux.

Afin d'établir des comparaisons au sein de cette étude, c'est une gravure représentant la marquise de Pompadour ainsi que trois gravures représentant la dauphine de France qui m'ont été utiles.


Ainsi, l'ensemble de ces sources iconographiques se répondent entre elles. En effet, ces portraits et gravures permettent de comprendre qu'il existe différentes manières de représenter les princesses ou les maîtresses du roi. Le message à faire passer n'est pas le même. En revanche, il est parfois nécessaire de se tourner vers d'autres sources pour venir confirmer les hypothèses établies avec le visuel.



Les sources textuelles


Il est désormais nécessaire de se tourner vers les sources textuelles qui prennent une place tout aussi importante que les sources iconographiques au sein de ce travail. Nous reviendrons là-dessus dans un prochain article, mais il est à noter que les bijoux que porte la reine sont rangés dans deux catégories. Dans un premier temps, la reine porte les bijoux appartenant aux joyaux de la Couronne, c'est-à-dire à la collection du royaume, une collection qui s'est construite de roi en roi. De fait, ces bijoux n'appartiennent pas à la reine directement mais elle peut les utiliser. La seconde catégorie de bijoux correspond aux bijoux que la reine détient à titre personnel, elle en a la propriété. Ainsi, ce sont principalement les sources textuelles qui permettent de faire cette distinction.



Les descriptions textuelles des parures : Le Mercure de France


Le Mercure de France est une source textuelle beaucoup utilisée par les historiens car elle rend compte des événements mondains, des fêtes, concerts ou des cérémonies qui se déroulent à la cour et en ville. Ce périodique, fondé en 1672 sous le nom de Mercure Galant, permet d'informer le public parisien et de province, de ce qui se déroule à la cour de Versailles. Ainsi, de nombreuses descriptions de bals, de mariages ou autres événements rendent compte des tenues et des accessoires que portent les protagonistes de la cour. À titre d'exemple, la tenue et les bijoux portés par la reine lors de son mariage avec le roi Louis XV y sont décrits. Ce type de sources permet de rendre compte du faste existant au sein de la société de cour. Les descriptions faites au sein du périodique semblent assez similaires à ce que l'on retrouve dans l'iconographie. Le goût pour la parure et le faste y sont largement appuyés.



Les inventaires des joyaux de la Couronne


La Couronne de France possède une importante collection de joyaux. Les inventaires réalisés par celle-ci recensent toutes les pierres que la reine et la famille royale utilisent afin de monter des parures. Ainsi, le Sancy mentionné plus haut ou le Régent, sont des diamants faisant partie de cette collection. Au cours de mon mémoire, j'ai décidé de me concentrer sur deux inventaires, celui de 1691 et celui de 1792 établit au moment où Louis XVI et Marie-Antoinette rendent l'ensemble des pierres à la Couronne pour ne garder que leurs bijoux personnels. N'ayant pas pu avoir accès à l'inventaire complet de 1774 établi sous Louis XV, j'utilise seulement quelques passages de celui-ci. Les inventaires de la Couronne sont une source importante puisqu'ils permettent de montrer que la collection s'est enrichie sous le règne de Louis XIV puis sous Louis XV et Marie Leszczynska. En 1791, le total général des diamants, perles et pierres de couleurs et parures du roi s'élève à 23 922 197 livres, 11 sous et 1 denier, quand il est de 11 424 181 livres en 1691. Ces inventaires recensent la valeur monétaire de ces pierres, leur poids, leur couleur ainsi que leur origine. Les informations en provenance de ces sources apportent de nombreux éléments sur la mode du bijou. Il n'est évidemment pas possible de savoir quelles sont les pierres présentées dans les inventaires que la reine et la dauphine utilisent pour leurs bijoux, mais l'ensemble de ces éléments permet d'avoir une vue d'ensemble de ce que peuvent être les pierres et bijoux présents dans les tableaux et les gravures/estampes lorsqu'ils sont décrits dans un inventaire établit par le pouvoir royal.


Les inventaires après décès et les testaments


Les inventaires après décès ainsi que les testaments, permettent de connaître les possessions personnelles des femmes de la cour. Un inventaire après décès correspond à l'inventaire de l'ensemble des possessions d'une personne après sa mort. Il s'agit d'une source essentielle pour l'historien. Pour cette étude, seule une partie de l'inventaire de la reine Marie Leszczynska est à notre disposition. Afin de compléter cet inventaire, il est nécessaire de se tourner vers le testament de la reine, qui se trouve aux Archives Nationales. Les inventaires et testaments de la marquise de Pompadour et de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe sont au même titre des sources essentielles à ce travail.


Finalement, le rôle de ces inventaires est de confirmer ou non la tendance se dégageant des représentations iconographiques : un entre deux entre apparat et discrétion. Comme évoqué précédemment, les femmes ont la pleine possession et propriété de ces bijoux. L'idée avec ces sources est de pouvoir quantifier la présence de tel ou tel bijou au sein des inventaires et de pouvoir établir des comparaisons entre les trois femmes. On sait par exemple, que la Marquise de Pompadour possède davantage de bracelets que la reine ou que la dauphine. Généralement, les bijoux présents dans ces sources rappellent ceux présents dans l'iconographie. En revanche, certains bijoux relativement présents dans ces textes sont absents des portraits. À titre d'exemple, c'est le cas des bijoux de nature religieuse.


Les testaments ont également un autre rôle, celui de faire connaître le devenir de certains de ces bijoux. En effet, la question de la transmission et de l'histoire de ces objets est essentielle. Ainsi, certaines pièces sont léguées et figure dans le testament le nom de l'individu qui les reçoit. Le testament de Marie Leszczynska permet d'affirmer qu'elle a légué un bijou de nature religieuse contenant une représentation de son saint favori, saint Jean Népomucène, à sa fille Louise. Finalement, ces legs de bijoux permettent de connaître les réseaux sociaux formés à la cour de Versailles.



Vous l'aurez compris, les sources qu'elles soient iconographiques ou textuelles, sont essentielles à la réalisation de tout travail historique.

Dans le prochain article de cette série, nous parlerons de la collection des Joyaux de la Couronne en se concentrant sur l'histoire de cette collection.



Par Emma LE NOUVEL


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