Juillet 1969. Le Honduras et le Salvador se disputent une place pour la coupe du monde 1970. Si le football est en général une fête, encore plus en Amérique Latine, il sera ici le catalyseur des tensions qui agitent les deux pays depuis plusieurs années, et provoquera le drame d’une guerre qui aura bouleversé la vie de nombreux habitants des deux pays.
Bien que voisins, le Salvador et le Honduras sont deux pays très différents. Le Salvador est un pays très peuplé, mais avec une faible superficie, alors que le Honduras, bien que 6 fois plus grand, est moins peuplé. En partie pour cette raison, certaines terres au Honduras appartiennent à des Salvadoriens, et plus de 300 000 personnes ont émigré au Honduras, notamment pour cultiver la banane. Sur fond de drague politique, le gouvernement, et en particulier Modesto Rodas Alvarado va dénoncer cette situation et s’en prendre aux «envahisseurs » salvadoriens. Le ressentiment nationaliste grandit donc dans la population hondurienne, ce qui fait le jeu de Oswaldo López Arellano, qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat, et qui n’a donc jamais pu bénéficier de la moindre légitimité populaire.
Dans ce contexte très particulier, de tension voir de haine mutuelle entre les deux peuples, les deux équipes nationales s’affrontent en 1969, en barrage de qualification pour la coupe du monde de football qui a lieu l’année suivante au Mexique. Le 7 juin, veille du match aller au Honduras, les supporters locaux entourent l’hôtel qui accueille l’équipe du Salvador, et empêchent leurs futurs adversaires de dormir. Le lendemain, les Salvadoriens, fatigués, craquent à la dernière minute de jeu, et perdent le match 1-0. Amelia Bolanios, jeune supportrice, se tire une balle dans le cœur par désespoir. L'événement crée une grande émotion dans son pays, ses obsèques sont décrétées nationales et beaucoup de Salvadoriens tiennent les Honduriens pour responsables.
Une semaine plus tard, le match retour a lieu au Salvador. Malgré une haute surveillance militaire en raison du contexte très tendu, l’hôtel des joueurs honduriens est incendié (heureusement sans faire aucune victime). Déplacés dans un autre hôtel, les joueurs sont là aussi privés de sommeil. Le lendemain, l’équipe, épuisée, perd le match 3-0. Les supporters honduriens ayant fait le déplacement furent violentés, des bagarres éclatèrent et des voitures furent incendiées. Deux personnes y perdirent la vie. Apprenant la situation, de nombreux honduriens décidèrent de se venger sur les résidents salvadoriens, nombreux au Honduras. Le gouvernement ne fit rien pour mettre fin à ces violences, et il y eut de nombreux morts et blessés. La frontière entre les deux pays fut fermée, et la tension était alors maximale.
Un dernier match restait à jouer pour départager les deux équipes, en terrain neutre, à Mexico. Le 26 juin, le Salvador s'impose 3-2, dans un match qui tourne à l’émeute. Les hôpitaux furent débordés, des femmes violées, et une fois encore, des supporters perdirent la vie. Les Honduriens critiquent l’arbitre et accusent leurs adversaires de tricherie. Quelques heures après le match, quelques incidents eurent lieu à la frontière, et de nombreuses rumeurs se répandirent dans les deux pays, sur des crimes commis contre chaque population. Le 4 juillet, après l’assassinat du vice-consul salvadoriens au Honduras, les relations diplomatiques entre les deux pays sont coupées.
Le 14 juillet 1969, un avion Salvadorien lâche une bombe sur la capitale du Honduras, Tegucigalpa. La guerre commence. Elle durera 4 jours, ce qui lui doit son nom de « la guerre de 100 heures ». Le Salvador domina son adversaire sur terre, mais fut surpassé dans les airs. Le bombardement de leurs dépôts de munitions et de carburant freine leur progression. Le 19 juillet, face à la pression internationale, les troupes salvadoriennes se retirent. La guerre du football aura provoqué la mort de 3 000 personnes. On dénombre également environ 15000 blessés. Près de 50 000 personnes auront perdu leur maison, et environ un tiers des 300 000 immigrés salvadoriens au Honduras fut contraint de rentrer au pays.
Si le football est une religion dans les pays d’Amérique Latine, on en a ici une illustration de plus. Pourtant loin d’en être responsable, le football aura, comme pour les religions, servi d’excuse à la violence, la haine, et aux justifications des pires horreurs qui peuvent en découler.
Par Lucas HOSTE
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